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Guillaume FAREL

D’après une gravure ancienne

 

1524 !...

Que de souvenirs cette date rappelle à un protestant ! C’est l’année où Martin LUTHER abandonne son froc de moine et se prépare au mariage, rompant ainsi définitivement avec les traditions romaines.

C’est l’année où Jean LECLERC, le cardeur de laine de Meaux, est brûlé vif, comme hérétique, à Metz.

C’est l’année où pour la première fois, à Strasbourg, la Sainte-Cène est célébrée sous les deux espèces et la messe chantée en langue allemande, pendant que « Maître Mathys «  ZELL rassemble à la cathédrale (elle servira désormais au culte luthérien jusqu’en 1681, date de l’entrée de Louis XIV dans la ville libre) des foules de 3.000 personnes avides d’entendre l’Evangile.

C’est aussi l’année où Guillaume FAREL commence à prêcher la Réforme à Montbéliard.

Nos adversaires ont toujours prétendu que l’introduction du protestantisme à Montbéliard est due uniquement à un coup d’autorité des princes de Wurtemberg. Bien que ce reproche ait été maintes fois réfuté, pièces en mains, il est sans cesse réédité avec plus ou moins d’insistance. En 1911, encore, au moment de la fondation de la « confrérie de saint Ferréol et de saint Ferjeux » qui a pour but de ramener à l’unité catholique les protestants du Pays de Montbéliard, l’archevêque de Besançon, fixant les méthodes à suivre pour les temps modernes, parlait « de région désolée par l’hérésie » et de « la violence exercée par les pinces pour arracher de chères brebis au bercail de l’Eglise catholique ».

Or, il est évident, pour qui veut se donner la peine de consulter impartialement les sources historiques dans nos archives locales, que le mouvement religieux appelé dans ce temps là « Lutherie » ou encore «  Secte de Luther », est sorti spontanément de la conscience de gens sérieux, réfléchis, lassés des abus du clergé et avides de retrouver l’Evangiles des apôtres.

Ce n’est pas seulement à Montbéliard, où les princes soutinrent la nouvelle Eglise, mais pour ne parler que de notre région c’est par toute la Franche-Comté, c’est au siège même de l’Archevêché, à Besançon, que nous trouvons des « Evangéliques » ou des « Luthériens ». Pourtant, ici, on ne peut alléguer une pression des autorités dans le sens de la réforme ! En 1524, le registre des Délibérations capitulaires (archives du Doubs G.192) mentionne, à la date du 12 août une « conférence  avec les citoyens à l’hôtel de ville sur les moyens d’extirper la secte luthérienne ». En 1525, c’est à Montbozon que se réunissent des nobles et des bourgeois pour chercher les moyens d’agir contre le Luthéranisme. Le 10 mars 1529 (archives du Doubs G. 193), l’archevêque convoque à Besançon le clergé « pour s’occuper des progrès de l’hérésie luthérienne ». Et, pendant près de cent ans, le mouvement s’est tellement accentué, malgré les oppositions et les poursuites, qu’au commencement du XVIIème siècle, il y a dans la      seule région de la Haute Saône qui avoisine Vesoul, de l’aveu même des historiens catholiques les plus irrités de ce mouvement, une trentaine de villages et de bourgs où brûle « le feu dangereux d’hérésie et de liberté ».

Amance est un des foyers les plus intense de la propagande évangélique. En 1525, deux de ses habitants, Nicolas SELVIT et Nicolas BUCHERON étaient allés à Vesoul ouvrir une école et faire des lectures publiques : ils en avaient été promptement chassés.

 En 1608, nous retrouvons deux descendants de Nicolas BUCHERON, Claude et Jacques BUCHERON continuant l’œuvre d’évangélisation des bords de la Saône.

Ecrit ainsi en vieux Français dans le texte, j’ai tenu à le conserver ainsi.

Jacques est arrêté et emprisonné et poursuivi comme sorcier et criminel. Son seul crime était d’avoir « tant en sa maison qu’aux champs souventes fois chanté des psalmes deffendus en françois comme : du fond de ma pensée, me revanche moy, prends ma querelle, ne sois fasché sy durant ceste vie, souvent tu vois prospérer les méchants, et plusieurs aultres, mesme les commandements en françois lève le cœur, preste l’oreille et  disant que lorsqe l’on soit fasché l’on debvroit chanter lesdits psalmes et que les huguenots de France en chantoient aulcungs quand ils alloient à la guerre contre le Roy de France, ayant induict et sollicité le sieur HENNEQUIN à les apprendre et chanter, plus pour tenir en sa maison une bible en françois dans laquelle il lisoit souvent, au commencement de laquelle il estoit dit que Dieu avoit fait le ciel et la terre disant ledit BUCHERON que cela estoit bien fait ;

Item, pour, depuis les guerres arrivées en ce pays en l’an nonante cinq avoir esté treuvé en la maison dudit BUCHERON ung  livre suspectz  de nostre religion contenant au commencement que la Cène estoit un sacrement, et plusieurs psalmes en françois comme aussy plusieurs aultres escripts aussy suspectz lequel livre estant tiré hors de la maison dudit BUCHERON et monstré à certain personnage dudit Amance fut recogneu estre des œuvres de CALVIN et pourquoi il fut bruslé ;

Item, pour le dit BUCHERON avoir esté par plusieurs fois répété et dit plusieurs rhimes contre les hommes d’église, comme sensuyt : il y a plus de larrons que de gibets portant bonnet carrés, fourrés d’ermines et plusieurs aultres du tout suspectz et contre notre religion  …….(archives de la Hte Saône B.5048)

On comprend que les ennemis de la Réforme aient conservé une rancune à l’égard des princes qui refusèrent d’entrer dans les vues du chapitre de Besançon et de réprimer « l’hérésie ». Mais ils n’ont pas le droit, devant Dieu, de chercher des sources impures dans les préocupations de tant d’humbles artisans et paysans lisant la Bible et chantant des psaumes tout simplement, pendant qu’autour d’eux s’agitaient des questions politiques. Ces gens là étaient des héros de la liberté de conscience et leurs descendants spirituels sont fiers de conserver leurs noms.

Un bourgeois de Besançon, nommé MAUBLANC, avait dit à l’époque où l’on poursuivait comme suspects ses concitoyens LAMBELIN et COQUILLARD, Antoine D’ELMSKERQUE : «  Si la Loy de Montbéliard est bonne, elle durera ; sinon elle prendra tanstost fin. »

Voilà 400 ans que la Réforme religieuse est implantée à Montbéliard, elle a transformé la physionomie de notre petit pays ; elle lui a donné de grandes délivrances et un développement tout spécial ; elle a créé un noyau de fidèles fermement attachés à l’Evangile et à la liberté ; et elle n’est pas près de finir. Nous disons même, en toute humilité, et dans un esprit de prière et de confiance en Dieu : « Elle durera ! »

 

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Source : Almanach de l’Eglise Evangélique Luthérienne de 1924

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