LES PAPETERIES DU PAYS DE MONTBELIARD

 

Le papier et sa fabrication.

On sait que le papier, invention chinoise est venu jusqu’à nous très lentement. Il prit petit à petit  la place du parchemin, dont le prix était très élevé. Il fallait trouver un nouveau mode de support d’écriture d’un  prix plus abordable et qui permette une évolution du fait de l’invention de l’imprimerie vers 1440.

Les moulins à papier.

C’est à Lavenne, sur le Cusancin, près de Baumes les Dames qu’apparaît en 1448 la première papeterie. Elle fournira son  papier « au Montbéliard » en concurrence avec les papeteries de Bâle (Suisse).

Il était normal que les souverains du Pays de Montbéliard s’intéressent à cette fabrication, coût du transport et frais de douane, il y avait de plus en plus de demandes (notaires, pasteurs, registres d’état civil, écoles).

Il fallait pour établir « un moulin à paittes » 

·        De l’eau courante pour donner la force motrice pour faire tourner la roue hydraulique et fabriquer la pâte à papier.

·        Des chiffons que l’on collectait dans les villages environnants.

·        Du matériel nécessaire à les piler, réduire en bouillie, former en feuilles, presser, etc.

On installe donc au bord des ruisseaux ou rivières, dans les moulins existants (Glay, Etupes) on construit spécialement (Courcelles les Montbéliard, Montbéliard, Belchamp et Meslières).

Voici comment on fabriquait le papier « à l’ancienne » ou « à la cuve ».

Les chiffons sont triés et classés à l’arrivée par les femmes qui suppriment boutons, agrafent et décousent les ourlets, « c’est le délissage », puis jettent ces chiffons dans de grandes cuves en pierre remplies d’eau, « c’est les pourrissoirs », où ils vont macérer pendant plusieurs semaines. On utilise ainsi le gonflement des fibres, libérant les salissures qui tombent au fond des cuves, « c’est le trempage » (essangeage de nos grands-mères quand elles faisaient la « bue »¨, mot patois désignant la lessive) avec cette différence que le trempage là ne durait que 24 heures.

Les chiffons, bien détrempés sont passés « au déromptoir », lame de faux sur laquelle on les découpe en morceaux, puis soumis à un lavage à l’eau courante pour éliminer toute souillure.

A ce moment là, les moulins à pilons interviennent.

Les chiffons ainsi préparés sont jetés dans les piles dites aussi  creux de piles  ou » bachat », sortes d’auges en bois dont le fond est muni d’une platine en fer. Ils vont être ainsi hachés par des maillets en bois dont la tête est garnie de clous de différents diamètres. Les maillets sont mis en mouvement par des mentonnets fixés sur l’arbre de la roue hydraulique, retombant quatre fois dans les « bachats » à chaque tour de roue. Il y avait en principe trois ou quatre maillets par creux de piles ou « bachats ».

Les moulins à pilons ont été doublés ou remplacés dans notre région peu avant la Révolution par des nouvelles machines appelées cylindres, moulins à cylindres ou piles hollandaises. 

Ces cuves sont rectangulaires à angles arrondis, partagées par une cloison dans le sens de la longueur, mais non jointives aux extrémités. Un des compartiments est libre, l’autre possède au fond une pièce à deux pans inclinés dont une face est garnie d’une platine de fer rugueuse. Un cylindre de bois muni de lames de fer, dont l’axe est mis en mouvement par la roue hydraulique broie  les chiffons qui s’engagent entre ce cylindre et la platine.

L’ouvrier, à l’aide d’une longue spatule en bois, oblige cette masse fibreuse à s’engager à nouveau sous le cylindre après avoir fait le tour intérieur de la cuve, mouvement répété autant de fois que cela sera nécessaire afin d’obtenir une pâte homogène.

Le travail est nettement plus rapide dans cette machine que dans les piles à maillets, un seul cylindre produisant autant de pâte que trois piles.

La pâte à papier ainsi préparée dans les piles ou par les cylindres est stockée dans des cuves abritées afin d’éviter toute souillure. Allongée à consistance de crème, légèrement chauffée, elle sera reprise par l’équipe chargée de la préparation des feuilles de papier.

Cette équipe se composait de :

·     Le « saleran » est les maître ouvrier, chef d’équipe.

·     Le « formaire » est le spécialiste qui fait et entretient les formes.

·     Le «puiseur « plonge la forme dans la pâte, la retire chargée, la secoue pour éliminer une partie de l’eau.

·     Le « coucheur » qui retire la feuille en formation et la dépose sur des feutres, le tout sera pressé dans une presse à bras. 

·     Le « leveur »  enlève  les feuilles des feutres

et on passe de nouveau à la presse.

Les autres opérations consistent à encoller le papier (colle à base de peaux et d’alun). C’est le « saleran » qui trempe les feuilles de papier dans la colle à demie refroidie. Il y a ensuite un nouveau pressage, séchage sur corde, lissage et empaquetage.

Au début  du XIX siècle, on vit apparaître les machines à papier fabriquant en continu et mécaniquement, supprimant ainsi les « formes » et ensuite les manipulations.

La papeterie de Meslières fut la seule à en posséder une avant sa disparition.

Les qualités de papier étaient diverses suivant le choix des chiffons mais aussi du savoir-faire des ouvriers.

·        Glay et Meslières). Ils étaient logés et nourris sur place à la papeterie. (acte de vente de Molitor à Leconte à Glay : 10 lits d’ouvriers – jardin ouvriers etc).

·        Belchamp, J.Foillet fabriquait  le papier gris, le papier moyen et le papier fin à écrire dont plus grande partie était vendu à Strasbourg.

Les filigranes.

Sur la trame de la forme on traçait divers signes ou inscriptions laissant leur empreinte dans la pâte humide du papier, formant ainsi le filigrane. Instructions très précises à ce sujet, en France l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 janvier 1739 confirmant celui du 21 juillet 1671.

Les papeteries du pays.

1.      Courcelles les Montbéliard 1575 – 1576.

Eusèbe Episcabus, imprimeur libraire à Bâle, né en 1540, allait installer la première papeterie dont on soit sûr situé sur la rive droite de l’Allan entre Ste Suzanne et Courcelles.

Episcobus qui signait Bischoff, accepta en 1575 les offres faites par le comte Frédéric, prêt de 3000 florins, don du terrain et du bois de construction. Cette papeterie fut de courte durée, nous en ignorons la cause, la fabrication du papier cessa l’année suivante. Il quitta Courcelles assez rapidement en revendant la papeterie pour 3000 florins, le montant du prêt. On le retrouve de établi à Bâle en 1576.

2.      Courcelles les Montbéliard 1586 – 1588.

Jacques FOILLET, imprimeur à  Lyon signa une convention le 29 mai 1586 avec le comte Frédéric et s’installa avec tout son matériel dans l’établissement  remis en état par les soins de la seigneurie, (écluse, aménagement des locaux, logement gratuit compris) ainsi qu’un prêt de 250 francs forts. La papeterie sous sa direction et avec Antoine Breton comme « maître - papetier » était en pleine activité jusqu’en 1587, date d’arrivée des Guises. La papeterie et l’atelier furent entièrement détruits la nuit du 18 au 19 janvier 1588.

3.      Montbéliard – Porte des graviers 1597 – 1612.

En 1597, sur la demande de Foillet et par ordre du Prince, une papeterie fut construite par l’architecte H. Schickardt , sur les bords de l’Allan. Bâtiments annexés : une scierie, un moulin à farine, un atelier de taillandier.

Ce nouveau moulin à papier fut amodié par J.Foillet pour 10 ans. Ce bail devait être renouvelé en 1607.

L’entretien de la papeterie et de ses annexes coûtait très cher, on n’y faisait pas toutes les réparations nécessaires, et fin 1610 l’usine menaçait ruine.

Pendant l’hiver 1611/1612 les grandes eaux et la glace emportèrent une partie de l’écluse. Malgré une requête en 1612 adressée au Conseil de Régence, un rapport de l’architecte et l’intervention de l’intendant des bâtiments, on n’effectua qu’une réparation sommaire permettant de terminer le travail en cours. Lécluse fut démolie et les effets du bail suspendus à compter du 24 juin 1612.

4.      Belchamp 1612 – 1643.

L’industrie papetière va donc se transporter sur la rive droite du Doubs, dont on utilisera les eaux, près des bâtiments de l’ancienne abbaye, à l’emplacement d’un des deux moulins qu’elle possédait.

J. Foillet prévoyait dès 1609, la fin prochaine de la papeterie, rue des graviers, avait prévu d’en construire une à Audincourt mais y renonça.

Harcelé par J. Foillet, le Conseil de Régence fin 1610 désigna une commission pour rechercher un emplacement pour y édifier un nouveau moulin à papier. Après avoir revu l’emplacement de Ste Suzanne, elle se rendit à Belchamp mais estima que la dépense serait très importante et qu’il était préférable d’autoriser J.Foillet a en édifier un à ses frais.

Une convention datée de septembre 1612 entre l’intéressé et le Conseil de Régence ( délégués : A. Duvernoy « le vieux » et le trésorier Binninger). On lui octroyait «  pour lui, ses hoirs et ayants cause, encensement perpétuel, une place sur la rivière Doubs, du costel d’Arbouans vis-à-vis ou à l’endroit du moulin de Belchamp, de la contenance d’un journal et demi, et le cours d’eau nécessaire pour fait et dresser  une papellerye. En plus, il pourrait racheter tout le matériel des Graviers pour la somme de 429 francs forts et une redevance annuelle de 100 francs.

J.Foillet le 9 octobre 1612 s’associa avec Gerson Binninger, trésorier du Prince et Jean Maire marchand à Montbéliard. Il racheta également le matériel d’une papeterie à Bourogne construite en 1593. Les travaux commencèrent donc en 1612 et durèrent plus d’une année.

En 1619, J.Foillet mourut, au préalable, il avait cédé sa part à G. Binninger. Celui-ci et Jean Maire restaient donc seuls associés, pour exploiter la papeterie. Après quelques années ils prirent Chalvé comme nouvel associé.

En 1629, à la mort de Binninger, Jean Maire fur remboursé de ses apports et ce sont les Fils Binninger, Léonard et Jean, qui prirent l’exploitation de la papeterie jusqu’en 1643, date de la disparition de cette papeterie.

On y faisait diverses qualités de papier, un net progrès sur les productions précédentes, la plus grande partie s’écoulait sur les marchés de Strasbourg.

Notre approvisionnement en papier fut de nouveau assuré par l’étranger,  jusqu’en 1663, date de la construction de la papeterie de Glay.

5.      Glay  1663 – 1847.

A Proximité de la frontière Suisse, la papeterie de Glay est la plus éloignée. Elle va bénéficier des eaux claires de la Doue qui se joignent au centre du village à celles de la Creuse, elles donneront naissance au Gland. Ce ruisseau fera tourner de nombreux moulins dans la vallée qui porte son nom.

Etienne Ponnier, procureur fiscal à Héricourt, et Sébastien Kloepfel économe de la cour à Montbéliard, bâtiront cette papeterie sur l’emplacement d’un ancien moulin du prieuré de Dannemarie, détruit pendant la guerre de 30 ans, avec la permission du Prince.

En  novembre 1687, la papeterie est vendue à un marchand de Porrentruy  (Suisse) Claude Genin. La fabrication continue toujours sous la direction de Acoyer  jusqu’à son décès en 1700, son fils Jean Pierre lui succèdera.

Après le décès de Genin, sa veuve Jeannette Pelletier cédera la papeterie à Léopold de Wurtemberg en 1713. Celui-ci en fit don à ses enfants illégitimes les Espérances-Colligny.

Acoyer Jean Pierre resta maître papetier encore un certain temps mais, vers 1760, la papeterie passa entre les mains de J.P.Juillerat de nationalité suisse et c’est L. Souler qui dirigea la fabrication.

Deux autres maîtres papetiers succèderont à Souler, Jakob Schanp vers 1769 et Conrad Fenninger.

En 1771, Charles Monnier rachète la papeterie avec comme maître papetier Charles Molitor.

Entre  1776 et 1782, Charles Molitor en deviendra propriétaire. Elle fut la proie des flammes le 6 juin 1782, elle fut vite reconstruite. Dans cet incendie, la fille du propriétaire Catherine âgée de 15 ans trouva la mort.

Secondé par ses fils Charles, Théodore, Ch. Molitor compétent et actif, la papeterie connaît une ère de prospérité, filigranes que l’on retrouve un peu partout dès la fin du 18ème siècle et début du 19ème, notamment aux archives départementales du Doubs et Territoire de Belfort, les archives municipales, registres  paroissiaux, mairies etc.

Un rapport d’intendance (A.D.D. C.136), de l’époque de Molitor  l’importance de cette papeterie (qui a 6 piles). Le papier fabriqué est surtout » à écrire » on en produit 4000 rames annuellement, partant pour Paris, Strasbourg, Besançon et besoins locaux.

A part  la papeterie de Meslières, (qui a 9 piles) c’est la plus importante de nos papeteries, elle battra le record de durée 184 années.

La papeterie, passera le 10 avril 1812, entre les mains des frères Leconte, Louis Christophe et Georges Frédéric, de Montbéliard pour la somme de 145461 francs, monnaie de l’Empire. Pour cette somme sont compris les bâtiments, le matériel, et plus de 20 hectares de jardins, forets.

Molitor avait de sérieuses difficultés de trésorerie, il devait comparaître devant la Cour d’Appel de Besançon la vente des biens, a mis fin à son procès. Il devait beaucoup d’argent à Leconte père.

Le papier fabriqué connut un grand succès au moment de la révolution grâce aux  filigranes républicains adopté par un fabricant astucieux.

Les frères Leconte continuèrent sur cette lancée avec le même personnel, y compris la famille Molitor.

Georges étant décédé en 1814, Louis Christophe Leconte resta seul propriétaire jusqu’en 1831, date à laquelle il fit don ses deux papeteries  Glay et Meslières à ses enfants, Edouard, Eugène et à sa fille épouse d’Alexandre Lalance.

Après l’achat de la papeterie de Meslières, en 1823, L.C. Leconte jugea préférable d’arrêter la fabrication du papier à Glay. Il y fabriquera seulement la pâte à papier pour  alimenter sa papeterie de Meslières.

Eugène Leconte et son beau frère Charles Lalance, restés seuls propriétaires des deux papeteries en 1841, envisagèrent la transformation de l’usine de Glay en tissage et firent les démarches nécessaires.

Le 28 avril 1846, ils vendirent la papeterie au teinturier de la Mangue (Hérimoncourt) J.Mégnin qui y installa en 1848, 20 métiers à tisser le coton, le lin, et la laine, sous certaines conditions : surveillance douanière, vu la proximité de la Suisse, ce qui créa bien des difficultés.

Ce tissage fut vendu en 1858, par le fils Mégnin, à F. Quiquerez de Grandfontaine (Suisse) pour y établir un moulin à blé et martinet, (l’acte spécifiait avec la roue hydraulique).

Cette ancienne papeterie qui conservera toujours son nom passera entre différentes mains, à savoir : moulin à blé, huilerie, taillerie de pierres pour l’horlogerie, scierie, puis finalement transformée en restaurant par Périat en 1927.

6.      Meslières 1671 – 1847.          

Petit village proche de Glay, J. Vurpillot d’Autechaux Roide, y installa une nouvelle papeterie le 22 mai 1671, première industrie de ce petit village, la seconde sera un haut fourneau qui fonctionnera de 1683 à 1698 sur les rives de ce ruisseau.

En 1690, ses fils Nicolas et Pierre lui succédèrent, puis en 1739 ils vendirent la papeterie à J.F. Morel dont le fils continua la fabrication jusqu’en 1748. A cette date la papeterie change de mains, deux bâlois F. Blum et J. Hodel vont développer la production grâce au savoir faire des ouvriers suisses qu’ils installent à Meslières. Mais vers 1776, J.N  et G.F Morel l’exploitèrent à nouveau.

On y fabriquait les papiers courants mais aussi les papiers pour cartes à jouer, à registres, à musique. On en trouve dans tous les registres d’état civil des environs avant 1815, date d’apparition du papier au timbre impérial puis royal fourni par l’administration.

En 1823, les Héritiers Morel vendront la papeterie et ses installations à L. Ch. Leconte, propriétaire de la papeterie de Glay. Après cette date, 14 ouvriers à Glay et 36 à Meslières, produisent 12.000 rames de papier ce qui représente 150000Kg de chiffons annuels.  

En 1831, il cédera ses deux usines à ses enfants.

Il y eu de nombreux filigranes vu le nombre de propriétaires qui s’y succédèrent.

Le 6 mai 1834, les associés Leconte et Lalance obtinrent de la municipalité de Meslières, l’autorisation de construire une route directe de l’usine au centre du village , cette rue connue sous le nom « rue de la Papeterie et actuellement prénommée «rue de la Poste ».

A  noter, ces mêmes associés cédèrent à  Peugeot le 13 août 1844 un terrain pour y établir un canal d’alimentation en eau de leur usine de la Chapotte.

En 1837, la production était tombée à 8.000 rames, elle cessa en 1847.

Les propriétaires s’associèrent alors à Vauchelet  (association de courte durée) d’Hérimoncourt pour fabriquer des broches de filature. L’usine fut vendue à Laurent en 1852 (ancien propriétaire de l’usine Laroche de Voujeaucourt) qui s’associera à Jules et Emile Peugeot  à Valentigney en 1862.

Peugeot Hérimoncourt en devint locataire, fabrication des boites en bois de moulin à café  jusqu’en 1858. Le 17 mars 1858, les ateliers furent détruits par un incendie et Peugeot transporte cette fabrication à Terre Blanche.

L’usine fut rapidement reconstruite, puis vendue à Juillard. Il s’associa à Amstutz pour y installer une tréfilerie et fabrication de pignons en acier. Sté fondée le 1er septembre 1858 pour 10 ans – transformation de la Sté le 15 juillet 1884 avec le même Juillard et Henri Amstutz, fils du précédent. et E. Sircoulon, son gendre.

Propriétaires successifs : Sircoulon et Amstutz en 1894 – Sircoulon Amstutz et Sandoz en 1909 – SARL Amstutz et Sandoz à compter du 1er juillet 1780 – Ets Amstutz Sandoz et Cie a compter du 26 juin 1934.

L’usine Jeanperrin de Glay avait racheté cette affaire en 1910 avec son matériel important. Elle a connu de longues années de prospérité. On y fabriquait les aciers étirés, cannelés, rayons p/cycles et automobiles, pièces décolletées. Cette usine employait plusieurs centaines d’ouvriers ;

L’usine de Meslières est maintenant la propriété des Ets Schligler. Nombreuses transformations,  mais on y voit encore certains vestiges. M. Schligler Roland, a conservé la partie métallique de la roue et elle est actuellement dans sa propriété.

Avec l’arrêt des  papeteries de Glay et Meslières disparaît dans notre région la fabrication du papier dit « à la cuve ou à l’ancienne «, traitant le chiffon.

Il faudra attendre en 1880/1881 l’ouverture de la papeterie de Mandeure pour retrouver cette industrie, avec une matière première  différente « la pâte de bois ». 

7.      Etupes 1771 – 1794.

Cette papeterie ne fonctionnera que 23 ans certainement suite aux événement politiques qui bouleversèrent notre région. Le rattachement du Comté de Montbéliard à la France supprimait les frontières et les frais de douanes.

C’est dans le moulin à blé, possession de l’abbaye de Belchamp que la papeterie fut créée par Becker, imprimeur à Montbéliard, au carrefour des routes de Fesches le Chatel et Dampierre les Bois sur le ruisseau la Charme venant de Dasles. La décision favorable  du Prince fut donné en juillet 1771 avec privilège pour l’achat exclusif des chiffons dans le Comté, et ce pendant 12 années. (A noter qu’il existait un autre moulin à Etupes, fondé en 1754, il devint un atelier de fabrication de cadenas et serrures Japy de 1800 à 1907) (A.D.D E. 627).

Au décès de Becker en 1773, la papeterie d’Etupes est alors acensée à P.G. Wild de Montbéliard avec le même privilège en ce qui concerne l’approvisionnement en chiffons. Cette papeterie continue à fonctionner avec P.G. Wild qui a des ennuis au sujet de l’eau avec son Altesse Royale Madame la Duchesse de Wurtemberg, née Princesse Royale de Prusse. (sujet de discorde : cascade dans les jardins du château d’Etupes qui le prive des eaux nécessaires à son usine.  La révolution de 1793  mettra fin à cette querelle lors de l’invasion du Comté par les révolutionnaires qui détruiront ledit château).

Wild resté propriétaire arrêta la papeterie en 1794, (il ne pouvait lutter avec les papeteries de Glay et Meslières) et la transforma en moulin à blé. Il vendit ce moulin à blé en 1808 à J. Perdrizet d’Héricourt, amélioré, agrandit, il fonctionna encore de nombreuses années comme moulin à farine, à gruaux, battoir et ribe à cidre. Il a été transformé en logement encore occupé par un Perdrizet.

8.      Mandeure 1880 -1881 à nos jours.

La dernière papeterie installée au « pays » et aussi la seule encore en activité.

Suite à l’abandon de la fabrication du papier à Glay et Meslières en 1847, notre pays était privé de cette industrie, la consommation de papier avait considérablement augmenté (journaux en particulier).

La découverte de l’utilisation du bois vint à point pour faire face à cette importante demande, le chiffon n’aurait pas suffi. L’emploi de la pâte mécanique et l’amélioration de son prix contribuèrent à la consommation de ce nouveau papier.

L’implantation de cette papeterie située sur la rive droite du Doubs,  fut rachetée en 1848 par R. Paravicini, de Lucelle (Suisse) Industriel, gendre de J. Maillard Salin, il dirigea auparavant l’usine de quincaillerie de cette localité avec son beau frère Parrot, (usine cédée à J. et E. Peugeot en 1848, d’après M.G. Bugler 1).

Le moulin de Mandeure fut modernisé par lui en 1852, un barrage, et un canal d’amenée d’eau fut construit. Après son exploitation comme moulin de commerce, (les grains arrivaient en gare de Voujeaucourt)  Il fut détruit pour être remplacé en 1868-1869 par un vaste bâtiment  où le nouveau propriétaire installa une des premières râperies de bois et de fabrique de papier (la France a occupé très tôt en 1869, une position en flèche dans ce domaine grâce à Aristide Bergès qui fut le créateur de la papeterie de Lancey (au cœur du Dauphiné) où une râperie actionné par une chute d’eau de 200 mètres constitua la première utilisation industrielle de la houille blanche).

Après le décès de Paravicini en 1870, son fils Jules céda la fabrique à la « Sté pour la fabrication de pâte à bois connue sous le nom de  Holzstoff , siège social à Bâle (Suisse) «. Cette dernière devait apporter ses procédés et développer l’affaire. Une partie du matériel fut fourni par la fonderie Cuvier (qui devint Wyss et Cie de Seloncourt).

Après avoir vendu la pâte à bois aux papeteries régionales, suite à toutes sortes de difficultés, on l’utilisa sur place et ce fut la naissance de la papeterie de Mandeure.

Pour la première fois en France, semble-t-il on utilisa la pâte à bois seule, sans adjonction de chiffons ou autres matières fibreuses. Une autre machine spéciale, pourvue d’un séchoir à air chaud, fut créée et fonctionna jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale (Réf. plaquette du centenaire de la papeterie de Mandeure).

A partir de 1886, la papeterie entra dans une période de prospérité sous la direction de Rouyer Ferdinand. Il y avait deux chefs de fabrication, un de jour, un de nuit pour surveiller 150 ouvriers avec un horaire de 12 heures par jour.

La production était de 7 tonnes par 24 heures avec expédition mensuelles de 200 tonnes par la gare de Mathay, le transport de l’usine à la gare était assuré par des voitures à chevaux. De la gare on rapportait charbon et matières premières (de Mathay on signalait les arrivages par pigeon voyageur avant 1900).

Après l’arrêt de la fabrication de la pâte à bois, on reçut la pâte obtenue chimiquement (cellulose) des pays nordiques. La force motrice devenue disponible (turbines) fut récupérée pour le fonctionnement de la papeterie.

En 1930, suite à l’irrégularité du volume des eaux du Doubs, la vapeur vint compenser cette insuffisance (sans supprimer les turbines), puis un alternateur fut installé pour produire l’électricité. L’énergie est maintenant fournie par E.D.F.

On fabriquait toutes sortes de papier y compris « les minces «  genre papier à lettres en toutes sortes de couleurs. Pour occuper la  d’œuvre locale on faisait même fabriquer à domicile des carnets, des sacs en papier etc. Suite à la concurrence, on abandonna donc les minces au profit des plus forts genre bristol, dossier etc. Une machine spéciale, de conception très avancée en automatisation fut mise en place pour produire du papier dans ces forces. De 32 mètres de longueur, elle a une largeur utile de 2m 08, et produit des bobines sans fin pouvant peser jusqu’à 3.000 kgs, avec une vitesse de production variant de 20 à 100 mètres minute suivant les qualités.

Du pulper et des cuves où l’on malaxe la cellulose de différentes provenance avec diverses charges, (kaolin, colle à base de résine sulfate d’alumine et colorants) et une forte proportion d’eau , on passe aux raffineurs, appareils fermés d’un rotor et d’un stator pouvant se rapprocher mécaniquement afin de faire subir une nouvelles transformation à la pâte.

Stockée dans des cuves-tampons dont le rôle est d’alimenter la machine sans à coup, la pâte est ainsi prête à l’emploi. Après une épuration dans des appareils centrifuges, le flot fibreux arrive dans une sorte de caisse dont il sort par un bec verseur, pour être entraîné sur une toile plastique, bande sans fin supportée par des cylindres appelés « pontuseaux » ces gros cylindres entraînent et soutiennent le tapis chargé de pâte faisant ainsi le travail des « pontuseaux » des anciennes formes à papier.

Le tapis est animé d’une vibration transversale  qui achève l’égouttage, les fibres sont ainsi débarrassées d’une grande partie de leur eau, elles s’enchevêtrent et forment déjà une bande de papier d’une certaine tenue. Ici, des cuves aspirantes interviennent puis un gros cylindre muni également d’un système d’aspiration. A la sortie de ce dernier, la feuille a suffisamment de corps et rigidité pour pouvoir continuer sa course sans aucun soutien jusqu’à la fin soit environ 1/3 du parcours.

Les opérations suivantes ont pour but :

  • de parfaire le séchage presse avec feutres cylindres chauffés progressivement jusqu’à 120°.
  • de renforcer le collage de la surface du papier (presse appelée size presse).
  • d’en satiner la surface (calandrage en bout de machine après passage sur le cylindre refroidisseur) et de le calibrer pour avoir une épaisseur régulière au 1/100ème de m/m près.

La feuille de papier terminée, en bout de machine, elle est enroulée sur des tambours. La production journalière est de 32 tonnes en moyenne en travail continu de 24 heures sur 24.

Il ne reste plus alors qu’à débiter ce rouleau peu maniable en bobines de différentes largeurs (laizes) pour les machines à imprimer en continu ou alors sur une presse qui coupe aux dimensions suivant la demande.

Le reste du travail n’a plus rien de mécanique. Ce sont des ouvrières qui trient les feuilles une à une et les emballent, en mains de 25 ou en rames de 500 feuilles.

Elles sont 25, alors que la machine occupe seulement 3 hommes par tournée de 8 heures (un conducteur, un sécheur et un aide sécheur).

L’usine a fêté son centenaire en 1971, bâtie sur une île entre le Doubs et le canal d’amenée d’eaux aux turbines. Sa superficie est de 2 hectares, elle n’a pratiquement pas de possibilité d’extension.

Encore en activité en janvier 2007, son personnel comprend 106 personnes. Dans son autre site, à Savoyeux (Hte Saône), spécialisé dans la transformation du papier (découpe) le personnel est de 28 personnes.

 

 Sources : Synthèse du Travail réalisé par Mr. Jambe de Fesches le Chatel

Papeterie de Mandeure.

 

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